Mathieu Roy est chercheur d'établissement à l'institut
universitaire de soins de première ligne en santé et services sociaux au CIUSSS
de l'Estrie - CHUS est l'invité du Café scientifique du 18 juin 2015 à la Brûlerie
de café FARO, au centre-ville de Sherbrooke. Son champ de recherche? Les enjeux
liés à l'image corporelle des jeunes, un sujet revenu à plusieurs reprises dans
l'actualité au cours des derniers mois.
Un phénomène qui
touche toutes les générations
« L'image corporelle, c'est un grand mot pour dire
comment on voit son propre corps et comment les autres vont juger de ce même
corps, d'expliquer M. Roy. Il existe plusieurs dimensions, qui vont de l'insatisfaction
vis-à-vis d'un ou plusieurs éléments, d'une vision distorsionnée du corps ou de
ses attributs au comportement de la personne, et finalement à la fonctionnalité
du corps. »
Fonctionnalité? « Une personne plus âgée qui éprouve
des difficultés à prendre dans ses bras ses petits-enfants vivra une
insatisfaction de son corps à cause de cette capacité qui est disparue,
détaille le chercheur. Les enjeux de l'image corporelle touchent toutes les
générations. Ces femmes mûres, les mamans, les grands-mamans, sont
également sujettes à éprouver une telle insatisfaction à l'égard de leur corps.
Ces exemples contre-nature de femmes d'âge mûr comme Madonna et Cher n'aident
en rien ces femmes à être bien dans leur peau! »
Le fait que nous évoluons dans une société où l'apparence
est reine et constitue souvent la base du jugement des autres envers nous est
incontestablement une grande partie du problème. Mathieu Roy note que
l'insatisfaction est de plus en plus fréquente et se manifeste de plus en plus
tôt, autant chez les jeunes filles que les jeunes hommes.
« Chez les jeunes filles, on verra souvent une
insatisfaction liée à la perte de poids, un désir d'être mince comme ces mannequins
maigres qui représentent un idéal de beauté qui réalistement est impossible à
atteindre», souligne M. Roy. « Chez les jeunes hommes, l'enjeu se trouve
aussi au niveau du poids, dans la perte ou bien pour en prendre dans le but de développer
de la masse musculaire. »
Difficile de changer
la norme, mais pas impossible
« Il n'y a pas de réponse unique pour contrer le
phénomène, d'expliquer Mathieu Roy. Je crois qu'il nous faut d'abord et avant tout
démystifier ces images qui représentent une fausse réalité et intervenir en
amont, chez les jeunes. Il faut outiller les individus pour qu'ils puissent
devenir critiques de ce qui leur est proposé comme image et pour qu'ils
puissent résister à la pression sociale qui n'est pas toujours saine. »
Pour le chercheur, il s'agit d'inverser la norme sociale, un
peu comme nous l'avons fait au fil des ans avec le tabac et l'alcool au volant.
« Les campagnes Bien
dans sa tête, bien dans sa peau, la Charte québécoise pour une image
corporelle saine et diversifiée, les équipes d'intervention dans les écoles
primaires sont de bonnes avenues pour aider à modifier la norme en matière
d'image corporelle, note le chercheur. De cesser de se baser sur l'équation « poids
santé = santé » pourrait également être bénéfique. Être en santé, c'est
beaucoup plus qu'une question de poids! »
Selon M. Roy, les gouvernements peuvent légiférer pour
attaquer les mauvais exemples de front. À preuve, l'Espagne et l'Italie
interdisent que des mannequins dont l'indice de masse corporelle (IMC) démontre
une insuffisance pondérale puissent défiler. La France va même plus loin en
obligeant les magazines à mentionner que les photos ont été retouchées, si tel
est le cas.
Dans le cadre de la série des Cafés scientifiques de
l'Université Bishop's, Mathieu Roy sera présent pour échanger sur le thème
« Maman, est-ce que je suis grosse? », une activité qui aura lieu à
la Brûlerie de café Faro de la rue Wellington Nord à Sherbrooke, le jeudi 18
juin à 19h00.